Le paradis des deux-roues

La première chose que l'on remarque quand on débarque ici à Saïgon, c'est le nombre impressionnant de deux-roues qu'il y a dans les rues de la ville. Je pense pouvoir dire, en toute honnêteté, que j'ai vu plus de scooters ici en une journée que je n'en avais vu durant toute ma vie. Dans toutes les rues, à toutes les heures, c'est un ballet incessant de deux-roues qui circulent dans ce qui semble être, à première vue, un chaos total.

Ça déborde sur les trottoirs

Au début, ça fait vraiment de l'effet. Les rues sont saturées de scooters. On marche au milieu de tout ça, et on se dit qu'il y a bien un endroit où ça s'arrête quand même. Alors à chaque coin de rue que l'on tourne, on se dit que cette fois on va tomber sur une petite ruelle tranquille, qu'on va sortir de la zone d'agitation. Et là, bim! La petite ruelle qu'on imaginait se révèle être une avenue encore plus bondée que les autres ! Ça déboule dans tous les sens, par centaine, les types se doublent, se croisent, klaxonnent, montent sur les trottoirs, et j'en passe.

On prend le bus, on fait un peu de bornes, on regarde autour de soi en se disant qu'à un moment quand même on va sortir de tout ce bordel, que ça va se calmer, c'est pas possible autrement. Mais non, partout où on va, il y a toujours autant d'agitation et de trafic. En même temps, c'est normal, 8 millions d'habitants, faut bien qu'ils soient quelque part les mecs.

Donc voilà, vous voyez un peu le tableau. Ici tout le monde se déplace en deux-roues, sous presque toutes ses formes: scooters, mobylettes et même quelques vélos. Pas de motos, pas assez maniable pour la ville. On voit très peu de voitures, et la plupart ce sont des taxis. Cela dit, dans la vie de tous les jours, on ne prend pas le taxi pour se déplacer: trop cher, trop lent, trop climatisé, pas assez marrant. Non, on monte avec les "xe ôm", à savoir les moto-taxis !

Xe ôm
Un "Xe ôm" en pleine action ! (source: Wikipedia)

Pourquoi tant de deux-roues ?

Je pense que c'est un phénomène typique du Vietnam. Pour être passé par les pays voisins que sont la Thaïlande et le Laos, je peux vous dire qu'on ne voit pas ça là-bas.

Il y a certainement plein de façons d'expliquer le succès des deux roues au Vietnam. Je vous livre mes réflexions sur le sujet.

Tout d'abord, se déplacer en scooter ne coûte pas très cher, ni à l'achat, ni en essence, ni à l'entretien. Le Vietnam n'est pas un pays riche, et tout le monde n'a pas les moyens d'avoir une voiture.

De deux, raisons historiques, il y a quelques décennies tout le monde se déplaçait en vélo ici. Le scooter est donc juste l'évolution logique dans un pays où le niveau de vie augmente.

De trois, le climat s'y prête bien, c'est un pays chaud ici. Il y a juste le problème de la pluie, mais TOUT LE MONDE a une cape de pluie dans le coffre de son scooter. Lorsqu'une averse débute, c'est un moment exceptionnel, c'est la minute de silence dans la ville. Tous les mecs se rangent sur le bas côté l'espace d'un instant, juste le temps d'enfiler leur vêtement de pluie. Du coup, il n'y a plus personne sur la route, si vous attendiez depuis une heure pour traverser au passage piéton, c'est le moment ! La minute s'écoule, et tout le monde repart, la vie reprend, sous la pluie.

Autre raison au succès des deux-roues ? Si tout le monde était en voiture, ça passerait jamais ! Il faudrait revoir toute l'infrastructure routière des villes, tout refaire. Vous imaginez le boulot ? Tout ça pour au final se taper des bouchons aux heures de pointe, franchement ça vaut pas le coup. L'avantage du deux-roues, c'est que ça roule tout le temps. Parfois moins vite que d'autres, mais ça se faufile en toute circonstance.

Saigon 2 bridge
Pont sur la rivière Saïgon (Cầu Sài Gòn 2).
Sur des grosses artères comme ça, on croise des voitures.

C'est pas que du bonheur

Bon maintenant il faut bien avouer que cette multitude de scooters a aussi ses inconvénients...

Déjà, bonjour la pollution. D'ailleurs beaucoup portent un cache-nez ici, surtout les filles. Il y a des cache-nez jetable, mais aussi des cache-nez en tissus de toutes les couleurs, avec des motifs, des dessins, etc etc... On devine que c'est devenu un élément standard de la garde-robe ici, au même titre qu'une écharpe ou un bonnet chez nous.

Ensuite, bonjour le bruit aussi. Quand j'ai dit au début que j'avais vu plus de scooters en une journée que durant toute une vie, il faut bien comprendre aussi que j'en ai entendu plus en une journée qu'en toute une vie. Ça c'est moins drôle. Heureusement, on s'adapte assez vite. On a ce qu'on appelle la faculté d'abstraction, qui marche très bien chez moi. Et après ma première journée passée à déambuler dans les rues de Saïgon, alors que je mangeait tranquillement mon bol de nouilles à quelques mètres d'un rond-point hyper fréquenté, j'ai soudain constaté avec étonnement que je n'entendais plus du tout le bruit du trafic. Non pas que je sois devenu sourd, non non, mais c'est bien la faculté d'abstraction dont je vous ai parlé. Si vous avez pas ça ici, vous êtes foutus.

Non vraiment, ce qui serait génial ce serait qu'ils passent au scooter électrique. On garderait tous les avantages sans les inconvénients, ça serait vraiment pas mal.

Ah, attendez, on me dit dans l'oreillette que le Vietnam a du pétrole. Troisième rang en Asie pour ses réserves pétrolières, derrière la Chine et l'Inde... Hmmm, c'est mauvais signe ça, un pays qui a du pétrole ne passera jamais à l'électrique. Espérons que l'avenir me donne tort !

The girl on the motorbike
La fille qui s'etait arrêtée ramasser quelque chose...

Allez la bise à tous, à bientot !